Sunday, May 24, 2009

Les hérétiques italiens aux XIIIe et XIVe siècles

Les hérétiques italiens aux XIIIe et XIVe siècles[1]
Dans la lutte entre les empereurs et les papes, l'opposition faite à ces derniers ou se résolvait en une hérésie, ou tout au moins minait l'autorité pontificale. A chaque explosion de ces démêlés féconds en incidents, le peuple venait en personne exposer ses intérêts et exercer ses droits, dans la lice oùjadis ne discutaient que les barons, les capitaines et les rois. C'est alors, qu'au moment où il va disparaître, on voit s'accentuer davantage le caractère de ce moyen âge que nos grands savants croient pouvoir se dispenser d'étudier, en déclarant qu'il ne mérite pas leur attention.
En effet, une époque comme la nôtre, toute monarchique, toute enfermée dans un réseau de lois, de décrets et de plébiscistes, où l'habitude de se courber devant les agents du pouvoir fait perdre celle de s'incliner devant Dieu, peut difficilement comprendre ce moyen âge où dominait la plus grande et la plus libre diversité d'opinions. Elle a peine à se représenter une aristocratie attachée à des titres historiques, et une démocratie occupée déjà de tous les problèmes et de toutes les expérimentations modernes; une société qui ne pouvait souffrir de dépendance, et qui cependant rendait hommage à la valeur de ces hommes qui, doués de passions énergiques pour entreprendre avec audace et accomplir des actes violents, allaient ensuite chercher la paix au fond d'un cloître, 'pour y expier les crimes de leur fierté, ou pour mettre un intervalle entre les tempêtes de la vie et le repos éternel; une société dont l'ignorance était entretenue par des spectacles étranges, par des croyances bizarres, qui, cependant, avide de savoir, se passionnait pour tout ce qui avait nom de science qui, ne se connaissant pas elle-même, avait soif de trouver un lien harmonieux entre les institutions sociales, et sentait le besoin de se laisser guider, si elle ne pouvait se faire éclairer. Delà cette affluence dans les universités pour écouter les grands savants; de là cette facilité à accepter le miracle comme un phénomène ordinaire; l'austérité de la vie et l'exagération dans les pénitences s'alliant à une licence désordonnée des pratiques impies et sordides jointes à des dévotions pleines d'amour; la manie de la nouveauté avec l'attachement aux vieilles coutumes l'ingénuité des peuples nouveaux mêlée à la corruption raffinée des races retombées dans l'enfance.
Le christianisme, qui enseignait des préceptes de la morale la plus pure en contradiction avec le caractère et l'état de cette société, et qui en prescrivait l'observance au moyen de fortes institutions, voyait se produire des situations bien étranges et des contrastes bien dramatiques l'ordre à côté de l'anarchie, la sainteté à côté du déréglement des moeurs, la charité à côté de la férocité, et de sublimes conceptions réalisées par des moyens sauvages, par exemple dans les croisades; en somme, la barbarie tempérée par le christianisme, et le christianisme souillé par la barbarie. 
La multitude vivait au jour le jour sans réfléchir; le plus grand nombre passait son existence dans l'épouvante et la consternation, mais quelques-uns cependant raisonnaient; et l'on s'écarte par trop de la vérité quand on se figure qu'aucun doute n'avait été soulevé contre la foi depuis l'extinction du rationalisme antique jusqu'à l'apparition du rationalisme moderne. Déjà au treizième siècle, avec Frédéric II, nous rencontrons le penseurincrédule qui rejette le fondement même des dogmes, qui croit que toutes les religions sont des inventions humaines et que l'une vaut l'autre; nous reconnaissons l'indifférence et le naturalisme, dérivant de la science arabe, et dont le livre des -Trôis imposteurs est l'expression complète.

[1] Nous devons la communication de cetravail àl'obligeance de M. César Cantù.
L'illustre historien, qui veut bien nous accorder sa précieuse collaboration, va publier, dans quelques mois, chez Adrien Le Clère, un ouvrage considérable sur les Hérétiques d'Italie, dont la traduction est due à MM.Anicet Digard et Edmond Martin. Le présent article en est extrait.(Note de la rédaction.)


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